Doll

Doll

Paris, le 27 juillet 1872

Bien cher voisin,
Vous ne me connaissez pas. Sans doute ne m’avez-vous jamais remarquée. Je m’appelle Emilia mais tout le monde m’appelle Doll, à cause de mon teint de porcelaine et de mes boucles brunes. Je loge dans l’appartement cis juste au dessus du votre. Je vous écris ces quelques mots car je n’ai pas l’audace nécessaire pour vous aborder. Je suis d’un naturel timide et m’empourpre pour un rien. Aussi c’est après bien des hésitations que je m’ouvre à vous dans cette lettre. Je suis fille de famille modeste, habitant avec ma mère. Celle-ci est très pieuse et m’a éduquée selon les principes de sa foi. Toutefois je suis un peu inquiète de sa réaction face à cette lettre. Veuillez donc, s’il vous plait d’y répondre, transmettre votre message à l’adresse indiquée plus bas. Pardonnez ma maladresse, je parle, je parle sans en venir aux faits. Je fus très intriguée le jour où vous emménageâtes dans cet immeuble. Celui-ci étant un banal hôtel résidentiel de l’est parisien, je ne voyais pas l’intérêt qu’il pouvait avoir aux yeux d’un homme comme vous. J’attendis que vous ayez donné la consigne aux déménageurs avant de repartir et me glissai sur le palier pour observer vos meubles prendre place. J’eus tout le loisir de les examiner sous tous les angles. Ces messieurs, ne prenant pas garde à une toute jeune femme aussi frêle qu’un roseau, me laissèrent l’opportunité de me glisser chez vous. Je fus surprise par le raffinement simple et pourtant luxueux de votre mobilier. Quelque chose dans leurs formes, dans leurs teintes si exotiques me fascina aussitôt. Tout comme vos lectures qui révélèrent une intelligence et une profondeur que votre aspect de dandy ne laissait présager. Je tombai en admiration devant la richesse de leurs textes et la profusion de leurs illustrations. Veuillez me pardonner la malséance du geste que je fis alors : ne pouvant résister, je dérobais l’un de ces merveilleux ouvrages et filait jusque dans ma chambre afin de m’imprégner de sa sagesse. Vous accusâtes de ce crime l’un de ces pauvres déménageurs et refusâtes de le payer. Je vous conjure de faire le nécessaire pour réparer cet incident. Ne m’en veuillez point.
Depuis ce fameux jour, je n’ai cessé de vous observer sans jamais oser vous approcher. Qu’auriez-vous eut à faire d’une banale damoiselle comme moi ? A peine m’auriez-vous jeté un regard. Pourtant, chaque jour, à chaque heure depuis, mes pensées vont vers vous. Je me surprends à rêvasser, scrutant chaque son provenant de chez vous afin de deviner ce que vous faites. A travers mes fenêtres, je vous observe dans la rue lorsque vous déambulez d’un bout à l’autre, pensif. Je respire avec délice le parfum de ce vieux volume et le serre contre mon cœur en imaginant que c’est vous que j’enlace ainsi. Mon cœur bât la chamade et mes joues rosissent de plaisir lorsque je rêve à l’éclat de vos yeux.
Voici en peu de mots ce qui m’amène à vous écrire cette missive, cher inconnu. Auriez-vous l’amabilité de bien vouloir me rencontrer ? J’aurais tant à vous dire et souhaite tant vous plaire. Pensez à tout ce que nous pourrions entreprendre ensemble ! Connaissez-vous quelqu’un qui soit aussi passionné que vous par vos livres ? Avez-vous quelqu’un avec qui partager leur richesse ? Je ne le pense pas. Chaque fois que je vous aperçois, vous êtes seul. Et vous semblez si triste ! Accordez moi un peu de votre attention et je vous prouverai que je puis vous être utile. Je n’occupe que peu d’espace et suis très économe de nature. L’argent n’est pas un concept qui développe un quelconque intérêt pour moi. Je n’en veux donc pas à votre fortune. Je ne sais d’ailleurs si vous en possédez une. Laissez moi vous divertir afin de dissiper cette tristesse qui semble vous occuper constamment l’esprit. Laissez moi être une épaule sur laquelle vous appuyer ! Je saurai me montrer digne de votre intérêt.
Une dernière chose, très cher voisin. Si dans les jours qui viennent vous voyez une tâche humide s’agrandir sur votre plafond ne vous alarmez pas trop. C’est simplement que Maman m’a noyée hier au soir. Elle avait surpris mon intérêt pour vous et, me voyant m’entêter, à voulu me laver de tout pêché. Elle s’est pendue ensuite, consciente de son crime et doit attendre son jugement chez ce dieu qu’elle aime tant.
Je vous embrasse, bel inconnu.
Votre dévouée.

Emilia A. Lavranche, dite Doll.

Mouais, je relèverai une grosse incohérence, je doute qu'en 1872 on ait donné un surnom anglais a une francaise surtout celui la si la famille se veut de bonne famille.

C'est quand meme assez touchant .
C'est surement parce que je suis une fille, mais , j'ai eu des emotions en lisant ce texte